Grands Chelems : les stars du Top 20 réclament une redistribution des revenus plus équitable

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par Léo Duvot

Ces derniers jours, les déclarations musclées de Stefanos Tsitsipas, Alexander Zverev et Félix Auger-Aliassime ont fait trembler le circuit ATP. L’objet de leur indignation ? La répartition des revenus générés par les quatre tournois du Grand Chelem, jugée trop défavorable aux joueurs. Une prise de position collective qui pourrait bien marquer un tournant dans les rapports de force entre joueurs et institutions du tennis.

Une critique commune : la répartition injuste des revenus

Lors du Masters 1000 de Monte-Carlo, Stefanos Tsitsipas, actuel 8e mondial, a ouvertement critiqué la part des revenus attribuée aux joueurs de tennis lors des tournois majeurs : « la part actuelle – environ 15 % – est loin de là où elle devrait être », a-t-il affirmé en conférence de presse (source : ATP Tour, conférence Monte-Carlo 2024).

Ce chiffre fait débat : les tournois du Grand Chelem génèrent chaque année des centaines de millions d’euros de revenus, grâce aux droits TV, à la billetterie et au sponsoring. Pourtant, les dotations restent en deçà des standards constatés dans d’autres sports professionnels. Pour Tsitsipas, la solution est claire : « Les joueurs doivent s’unir, parler d’une même voix sur ce sujet. »

À ses côtés, Félix Auger-Aliassime (19e mondial) appuie l’initiative, tout en soulignant les limites du pouvoir des joueurs sur ces structures parfois opaques : « Comme joueurs, on n’a pas le pouvoir de tout changer. Mais on a quand même une voix », a-t-il déclaré, en appelant les organisateurs à une écoute plus attentive.

Alexander Zverev : vers un modèle inspiré des ligues américaines ?

Autre voix influente du vestiaire, Alexander Zverev a, lui aussi, pris position. L’Allemand – habitué des deep runs en Grand Chelem – n’a pas mâché ses mots : « On a la redistribution la plus faible de tous les sports professionnels en ce qui concerne les Majeurs », a-t-il affirmé (source : conférence de presse Monte-Carlo, ATP).

Dans les ligues américaines comme la NBA ou la NFL, les joueurs perçoivent en moyenne autour de 50 % des revenus globaux. Un contraste saisissant. Tout en précisant qu’il ne revendique pas nécessairement ce modèle, Zverev plaide pour une « redistribution plus juste », jugeant la situation actuelle excessivement déséquilibrée.

Un signal politique fort dans un sport historiquement individualiste

Cette fronde de plusieurs membres du Top 20 interpelle : c’est l’un des rares moments dans l’histoire récente du tennis où plusieurs figures majeures prennent position, ensemble, pour une cause collective. Dans un sport où les trajectoires sont très souvent individuelles, cette union est inédite.

Le timing de cette prise de parole n’est pas anodin. Avec des revenus records enregistrés par les tournois majeurs ces dix dernières années et des dotations qui, bien qu’en hausse, peinent à suivre cette explosion, le décalage devient de plus en plus visible. Et la crise du Covid-19 a renforcé les débats autour de l’équité économique sur le circuit.

Quels leviers pour une réforme ?

Le principal défi réside dans la gouvernance même du tennis mondial : contrairement aux ligues fermées américaines, l’ATP cohabite avec les instances indépendantes des Grands Chelems (qui sont organisés par des fédérations nationales : USTA pour l’US Open, FFT pour Roland-Garros, etc.).

Cela rend toute réforme structurelle particulièrement complexe. Néanmoins, le fait que des têtes d’affiche élèvent la voix pourrait accélérer les discussions. Certains, comme Novak Djokovic par le passé, ont déjà tenté de fédérer les joueurs autour d’une entité indépendante – la PTPA (Professional Tennis Players Association). Ce type d’organisation pourrait-il porter les revendications plus efficacement ?

L’enjeu : attirer, fidéliser et protéger les générations futures

Au-delà des stars, la question d’une meilleure redistribution a aussi un impact crucial sur les joueurs moins bien classés, et sur l’accessibilité du tennis professionnel aux jeunes talents. Davantage de revenus redistribués signifie plus de soutien logistique pour les challengers, et potentiellement une carrière plus viable pour les joueurs classés au-delà du Top 100.

Cela pourrait aussi transformer l’image du tennis comme un sport élitiste, en le rendant plus attractif et durablement équilibré. Alors que le monde sportif s’oriente vers plus de transparence et d’équité, le tennis – vieux bastion des traditions – est face à un choix décisif : résister au changement, ou l’embrasser pour continuer à rayonner.

Reste à voir si cette prise de parole collective suffira à bousculer les lignes. La balle est, clairement, dans le camp des organisateurs des Grands Chelems.

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