Le constat est sans détour, la voix experte, et le ton acerbe. Ce week-end à Nîmes, Patrick Mouratoglou, figure de proue du coaching mondial, ancien mentor de Serena Williams, n’a pas mâché ses mots. Interrogé sur les difficultés historiques du tennis français à briller sur la scène internationale, le technicien révèle une faille bien plus profonde que les statistiques : une faille mentale, culturelle, presque identitaire.
Une mentalité française sous examen
« J’aime profondément la culture française, mais je déteste la mentalité française. » Par ces mots, Patrick Mouratoglou lance un pavé dans la mare (source : DailySports.fr). Pour lui, l’ambition en France est trop souvent associée à de l’arrogance. Le succès ? Vu comme un signe d’opportunisme ou de trahison sociale.
Le coach franco-grec oppose cette réalité à celle qu’il a connue aux États-Unis, pays des champions où chaque victoire est vue comme une référence, et à la Serbie, où les jeunes veulent « tout casser ». Là-bas, dirait-on, la rage de vaincre est un moteur collectif. Ici, elle est un carburant qu’on juge facilement trop volatile.
Ce diagnostic n’étonnera guère les observateurs du circuit ATP, qui constatent depuis des décennies un paradoxe typiquement français : un vivier de talents immense, mais des résultats en Grand Chelem qui stagnent depuis l’époque de Yannick Noah (vainqueur à Roland-Garros en 1983). Aucun joueur tricolore n’a remporté de Majeur depuis. L’écart entre talent brut et accomplissement demeure considérable.
Vers un renouveau ? João Fonseca et Arthur Fils dans la lumière
Pourtant, le patron de l’Académie Mouratoglou entrevoit une lueur d’espoir. Il place ses espoirs dans la nouvelle génération, incarnée notamment par João Fonseca et Arthur Fils. « C’est celui qui a le plus gros potentiel de tous », affirme-t-il au sujet du Brésilien Fonseca. Quant à Arthur Fils, sa solidité mentale l’a bluffé. Pour Mouratoglou, ce type de profil casse les codes traditionnels français : sans complexe, déterminé, axé sur la victoire plus que sur la forme.
Arthur Fils, déjà sacré à Lyon en 2023 et auteur de prestations solides contre des top 10, s’écarte du profil classique du joueur français : élégant mais fragile dans les moments clés. Il incarne cette nouvelle ambition décomplexée que Mouratoglou appelle de ses vœux. « On n’est pas habitués à ça en France », ajoute l’ancien coach de Simona Halep avec un espoir latent.
Mais le message va plus loin que le court. Patrick le martèle : la société française elle-même doit cesser de culpabiliser ceux qui réussissent. Car pour espérer voir un Français renouer avec la victoire en Grand Chelem, il faudra bien plus qu’un revers à une main soyeux : il faudra un mental de tueur, une culture de la gagne.
Les enjeux pour le tennis français : une révolution culturelle
Cet éclairage de Mouratoglou soulève un enjeu fondamental : peut-on espérer une relève triomphante si l’entourage social et culturel bride l’ambition ? La victoire, pour être acceptée pleinement, doit cesser d’être marginalisée. Il s’agit moins de former des bras puissants que des esprits affûtés, encouragés, portés par une nation qui valorise ses compétiteurs.
Dans un monde du tennis dominé par des personnalités comme Novak Djokovic, Carlos Alcaraz ou encore Iga Świątek, chaque détail compte. Et plus que le coup droit ou le service, c’est souvent dans la tête que se font les plus grandes différences.
La déclaration de Mouratoglou pourrait donc être un catalyseur, une alerte utile à la Fédération Française de Tennis, aux clubs, aux entraîneurs… mais surtout aux jeunes talents émergents. Une invitation à assumer l’ambition sans crainte ni culpabilité.
Alors, la France entendra-t-elle l’appel à changer de logiciel mental ? Peut-être qu’avec Fils, Fonseca (formé partiellement par Mouratoglou) et quelques autres, une brèche vient enfin de s’ouvrir. Reste à la transformer en autoroute vers les sommets.